L'église Saint Martin

de

La Chapelle Saint Martin

rapport de M. Aubanton, Architecte des bâtiments de France


Historique

L'église de La Chapelle Saint Martin faisait partie des nombreuses possessions de l'abbaye de Saint Martin de Tours et était rattachée à la prévôté de Suèvres. L'entretien de l'édifice relevait également (pour la nef ?) de l'abbaye de Bourgmoyen à Blois. L'histoire de cette église n'est pas documentée avant 1709.

- 1709-1712 : procès devant le baillage de Blois et le Parlement de Paris entre le Chapitre de Saint Martin de Tours et les chanoines de bourgmoyen au sujet du paiement des réparations à la base et aux arcades du clocher.

- 30 Brumaire An 12 (1804) : "Supplique du conseil municipal au citoyen Préfet" pour lui exposer "l'état de délabrement affreux où se trouve (notre) église dont la moindre pluie forme un égout de tous les côtés. Sur les gros bois et lambris, il y a plusieurs pièces et le lambris qui le menacent très fort".

- 7 Janvier 1809 : ouragan endommageant la couverture de l'église et du presbytère.

- 25 Mars 1809 : lettre du maire L.Ougazeau au Préfet :"la couverture de notre église a aussi ressenti les effets de la tempête, outre qu'auparavant, elle avait besoin de réparations. Le clocher bâti pour la plupart en mauvaises pierres, a aussi grand besoin d'être renduit. On avait coutume de le faire renduire tous les dix ans, et s'il ne l'est pas, il pourrait bien, comme placé au-dessus du choeur, écraser l'église par sa chute".

- Fin 1809 : travaux de couverture à l'église.

- 1814 : réparation de l'horloge de La Chapelle Saint Martin par monsieur Houdin père.

- 1825 : travaux de réparation en couverture de l'église et du clocher.

- 1855-1858 : travaux de restauration et de consolidation de la tour et de la flèche de l'église de La Chapelle Saint Martin par Martin Monestier, architecte à Blois.

- 1876 : travaux de restauration intérieure de l'édifice sous la direction de l'architecte-abbé Brisacier de Tours. Les voûtes en bardeaux sont remplacées par des voûtes néogothiques en briques. Le sanctuaire est rétabli dans "son état primitif" par la suppression d'une rosace du fond et l'ouverture de trois fenêtres. Tous les murs du sanctuaire et des chapelles latérales sont enduits.

- 1886 : reconstruction des murs de la nef principale d'après devis dressé par monsieur Beau, architecte.

- 1913 : restauration de la tour carrée et de la flèche de l'église grâce aux dons de monsieur Jean Bury de Morvilliers sous la direction de l'architecte Amiot. La flèche est alors réenduite et les pierres de taille branlantes remplacées.

- 1961 : la flèche est réenduite au mortier de ciment.

- Mai 1975 : la flèche est foudroyée. Le choc arrache plusieurs moëllons et endommage la flèche. Le coq ne sera remis en place qu'en Juin 1977.

- 1995 : de nouvelles fissures apparaissent sur le clocher.

Références bibliographiques

- Docteur F.Lesueur dans "Les Eglises de Loir et Cher", Editions Picard, CNRS-1969, p.101 et 102.

- Abbé Dominique Ougazeau : note sur la flèche de l'église Saint Martin.

- Archives communales.

- Archives Départementales de Loir et Cher : cote G 1223 (années 1709-1712), cote 06-1 (1806-1840).

 

Description

L'église de La Chapelle Saint Martin se compose actuellement d'une nef de quatre travées, les deux dernières étant flanquées de bas-côtés, d'une travée centrale portant un clocher plus étroite que la nef et sur laquelle s'ouvrent deux chapelles formant transept, et enfin un choeur terminé par une abside en hémicycle.

Comme le souligne le docteur Lesueur, la partie la plus intéressante de l'église est son clocher central. C'est une construction romane qu'il attribue à la fin du XIe ou début du XIIe siècle formée d'une souche carrée flanquée de contreforts plats sur laquelle s'élèvent en retrait, par l'intermédiaire d'un glacis, deux étages de beffroi. Chaque étage est percé sur chaque face de deux baies jumelles en plein cintre.

Les fenêtres de l'étage supérieur sont extradossées par un larmier en pointe de diamant que couronne une corniche à modillons plats.

Le clocher se termine par une étonnante flèche octogonale bâtie en moellons.

Les quatre angles de la flèche sont occupés par des lanternons flanqués de colonnettes et supportant un gâble ouvert par un petit arc brisé.

A la base, dans le choeur, le clocher repose sur quatre grosses piles carrées. Il est couvert d'une voûte d'arêtes enduite. Le premier étage est couvert d'un plancher et abrite l'ancien mécanisme de l'horloge.

Le deuxième étage abrite la salle des cloches. Il ne comporte plus qu'une cloche, refaite avec son beffroi de charpente en 1808.

Analyse archéologique

Si l'intérieur de l'édifice présente un décor homogène de la fin du XIX° siècle (campagnes de 1876 et 1886), la visite des combles révèle les états antérieurs du monument.

Ainsi tout le comble de la nef conserve les vestiges de la voûte lambrissée décrite dans les archives. Pour faire passer sa voûte néogothique en brique et plâtre, l'abbé Brisacier a, comme à son habitude, fait couper les entraits de la charpente à chevrons formant ferme du XV° siècle (?) et moisé les arbalétriers.

On notera que cette ancienne charpente a essuyé un incendie (guerres de religion ?) dont les traces sont visibles au niveau du faîtage.

Toujours dans le comble, au contact du clocher (mur Ouest) se trouve un solin de pierre témoin de la toute première toiture de la nef dont la pente faible (environ 40°) trahit une très haute époque.

Le même détail se lit sur le clocher de Sainbt Lubin de Suèvres, du côté de la nef disparue.

Le clocher

Le clocher mesure une vingtaine de mètres depuis le sol jusqu'à la base de la flèche. Cette dernière le surélève d'environ 14 mètres.

Le clocher n'a pas poussé d'un seul jet : le mur Est, jusqu'à hauteur de l'actuelle fenêtre éclairant ce niveau, est le réemploi d'un mur antérieur (XI° siècle ?) caractérisé par son épaisseur (plus d'1,20 mètres au lieu de 0,70) et son appareillage visible au dessus du chevet (petits moellons smillés assisés).

La tour a manifestement pour modèle celle de Saint Lubin de Suèvres dont dépendait l'église Saint Martin (mêmes ressauts, même extradossement des fenêtres).

Comme à Saint Lubin, les parois intérieures du premier étage sous la chambre des cloches sont animées d'arcatures en plein cintre.

L'intérieur de la salle des cloches est un carré de 3,5 mètres de côté environ. Les 2 étages de fenêtres permettaient l'installation de 2 niveaux de cloches.

La flèche

L'examen des archives n'a malheureusement pas pu apporter de réponse définitive quant à la datation de la flèche.

J'ai pu visiter pour comparaison les clochers romans des communes voisines : Saint Lubin de Suèvres, Notre-Dame de Mulsans, Saint Vincent de Cour-sur-Loire et même celui, flamboyant, de Saint Hilaire de Mer. Tous ont été conçus pour recevoir une flèche.

Celle de Saint Lubin serait médiévale, celle de Cour a été remontée en 1861, Mulsans et Mer attendent toujours...

La datation du XIV° siècle avancée par le docteur Lesueur me paraît mal fondée.

Notre hypothèse est que cette flèche aurait été montée (ou rétablie) après les désastres des guerres de religion (voir les traces d'incendie de la nef) soit au XVII° siècle, grande période de restauration d'églises, ou au plus tard dans le courant du XVIII° siècle.

Techniquement, sa maçonnerie en moellons enduits ne ressemble d'ailleurs en rien aux pierres de taille des flèches médiévales. De plus, les lanternons, bien qu'ouverts en arc légèrement brisé sont couronnés de pinacles en boule, naïve transcription des lucarnes classiques.

Les plus anciens documents concernant des réparations (1709-1712) ne mentionnent pas la flèche, ce qui signifierait soit que celle-ci n'existait pas, soit qu'elle était récente et en bon état.

Je pencherai pour la 2° hypothèse car les désordres décrits par les experts de l'époque (lézardes au niveau des piliers à la base du clocher, désordres au niveau des arcatures), évoquent l'écrasement de maçonneries sous l'effet d'une surcharge (la nouvelle flèche ?).

Il faudra attendre le début du XIX° siècle pour trouver la mention explicite de la flèche.

Diagnostic

La flèche de Saint Martin présente aujourd'hui une forme irrégulière, comme une motte de beurre. La partie supérieure (refaite après foudroiement) a pris l'aspect d'un cône mal raccordé aux huit pans. L'ensemble est couvert d'un enduit au ciment peu attrayant.

La corniche supérieure, non protégée, laisse l'eau s'infiltrer dans les maçonneries en dessous. Les abat-son, techniquement indispensables, sont mal répartis.

Les extrêmités des ouvrages en bois encastrés dans la maçonnerie (le beffroi et le plancher qui le supporte) sont gâtées par les infiltrations (2 poutres en bois neuf ont été récemment placées en renfort sous ce plancher). Les parements intérieurs de la flèche et de la salle des cloches laissent percevoir des fissures ou des vides conséquents.

L'eau ruisselle jusque sur les peintures murales de l'intérieur de l'église.

Les désordres constatés sur le clocher et la flèche de Saint Martin, les archives le révèlent, sont récurrents. Ils sont dûs à la faiblesse de sa construction.

La qualité de sa maçonnerie de moellons, mal hourdée, mal liaisonnée en est la cause principale.

L'eau est le principal facteur de ruine : s'infiltrant dans les murs, elle désagrège le liant de leur fourrure intérieure. Ce blocage affaibli par les vides créés, les charges ne se reportent plus que sur les parements qui se lézardent sous l'écrasement.

A ce phénomène s'ajoute les ébranlements encaissés par le clocher et la flèche sous l'effet des coups de foudre subis dans son histoire.

En 1711, l'abbé Cothereau, curé de la paroisse, après les travaux évoqués lors du procès de 1709, écrivait "il y a encore des réparations à faire. Premièrement au clocher une lézarde où il faut peut-être une seillée (1) de chaux", suit toute une série de réparations du même ordre.

En 1809, le maire Ougazeau rappelait que "l'on avait coutume de faire renduire le clocher tous les dix ans".

En 1855, l'état du clocher est tel que Martin Monestier trouve les 16 baies du clocher bouchées (on avait dû laisser quelqu'ouïe au niveau de la cloche et des lucarnes). Ces bouchements en maçonnerie avaient très certainement pour rôle d'étayer les murs. C'est seulement après la pose de tirants en fer et réenduction complète du clocher à l'aide de "ciment à l'huile" (mortier étanche) que ces baies ont pu être rouvertes.

Les archives ont laissé la trace de réfections d'enduit régulières jusqu'en 1961.(2)

(1) Unité de volume, contenu du panier servant à transporter le mortier.

(2) Les anciens n'ont eu de cesse de "renduire" leur clocher, c'est à dire d'étancher les parements extérieurs des murs. Malheureusement, ils n'avaient aucun moyen d'en reconstituer le coeur déjà vidé par les infiltrations. C'est en revanche ce que permet la technique moderne des injections de coulis.

Programme de travaux

Les travaux proposés consistent essentiellement à régénérer les maçonneries, sur la hauteur exposée du clocher, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur.

La partie haute de la flèche sera démontée et reprofilée. Ses pans seront purgés de leur ciment et réenduits au mortier de chaux.

Les encadrements en pierre de taille endommagés et les parements de moellons lacunaires seront restaurés.

Les fissures seront remaillées, les joints refaits et le coeur des maçonneries creuses régénéré par injection de coulis de chaux.

Afin de protéger l'ouvrage, la croix et le coq seront restaurés et dotés d'un paratonnerre. Une couverture en plomb protégera la corniche du clocher.

Les pièces de charpente, beffroi, plancher, seront restaurés. Les abat-son actuels, déposés pour les travaux de maçonnerie, seront remplacés par des plateaux en châtaignier régulièrement espacés.

Une petite provision est prévue pour la mise en valeur du très ancien mécanisme d'horloge placé au premier étage.

L'architecte F.Aubanton

 

Les travaux furent réalisés entre Octobre 1999 et Mai 2000. L'échaffaudage résista à la tempête du 24 Décembre 1999 et le clocher passa le cap de l'An 2000 "corsetté" dans sa gaine de tubes métalliques.

Les travaux de maçonnerie furent réalisés comme il était prévu, ainsi que la couverture en plomb et l'installation du paratonnerre.

En ce qui concerne les abat-son, sujet conflictuel entre l'architecte, M.Aubanton, et le conseil municipal, il fut décidé de garder ceux qui avaient été restaurés quelques années auparavant et poursuivre la restauration de ceux restants. Ils sont donc à l'heure actuelle en ardoises, comme la couverture de l'église.

 

 

 

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